Le Nouvelliste | Publié le : 29 juin 2012
Michèle-Jessica (M.J.) Fièvre, détentrice d’une maîtrise en création littéraire, est la directrice de publication de Silver of Stone Magazine, aux États-Unis, et du journal Onè? Respè! de Women Writers of Haitian Descent, Inc. Elle occupe d’ailleurs le poste de secrétaire de cette organisation. Romancière classée à plusieurs reprises au tableau des meilleures ventes de Livres en folie, elle publie également des nouvelles en anglais dans diverses revues américaines, telles que The Southeast Review et The Nervous Breakdown, et des articles dans la revue Vis-à-Vis Magazine. Actuellement, elle travaille sur le projet d’une anthologie préparée par des auteurs de divers horizons, qui recueille des textes ayant pour thème principal le séisme du 12 janvier 2010. Elle en parle à Péguy F.C. Pierre.
Le Nouvelliste (LN): Pourriez-vous nous présenter le projet?
Michèle Jessica Fièvre (MJF): En 2009, Women Writers of Haitian Descent (WWOHD), une organisation littéraire établie en Floride, a lancé, sous mon pilotage, un premier appel à textes thématiques pour une anthologie à paraître en janvier 2010. Le thème en question : « L’Haïti d’hier, l’Haïti d’aujourd’hui, et l’Haïti de demain». A cette époque, nous avions en tête de ne publier que les écrits de femmes haïtiennes de la diaspora. Après le tremblement de terre du 12 janvier 2010, cependant, divers auteurs, en Haïti et ailleurs, inspirés par la tragédie, ont écrit des textes poignants qu’ils nous ont envoyés. Nous avons examiné les textes et le choix s’est fait en fonction de la qualité, mais aussi de l’originalité du traitement du thème choisi. Nous n’avons pas tenu compte, cependant, de l’identité de l’auteur: homme ou femme, haïtien ou étranger. Marie-Ketsia Théodore-Pharel, l’un des membres fondateurs de WWOHD, a choisi le titre de l’anthologie : «Ainsi parla la terre.»
LN: Qui retrouve-t-on dans ce projet ?
MJF: Cinquante-quatre auteurs seront publiés. Nous avons des auteurs qui écrivent en anglais – comme, par exemple, Edwidge Danticat, Kathie, Gariot Pierre Louima, Marilène Phipps-Kettlewell, et Barbara Ellen Sorensen – et d’autres dont les textes sont en français ou en créole, tels que Smoye Noisy, Margaret Papillon, Emmelie Prophète, Elsie Suréna et Marie-Alice Théard. Haïtiens et étrangers. Auteurs confirmés et nouveaux auteurs. Jeunes et moins jeunes. Le plus jeune auteur, Naiké Bélizaire, a 15 ans.
LN: Pourquoi une anthologie?
MJF: Cette anthologie trilingue (anglais-français-créole), caractéristique de notre culture, se veut importante puisqu’elle honore l’esprit du terroir, le multiculturalisme et la diversité d’Haïti. Elle explore le passé, le présent et le futur de ce pays, tels que vécus ou imaginés par ses habitants – Haïtiens comme étrangers au cours des quatre dernières décennies. Chacun des textes est présenté dans sa langue originale. A travers divers récits et poèmes, l’héritage littéraire et l’histoire unique de l’île sont mis en lumière. Ce recueil de textes suscitera la curiosité à l’endroit de notre pays et encouragera plus d’un à venir découvrir notre chère île. Il est un fait que les étrangers en visite en Haïti pour la première fois sont toujours agréablement surpris. La grande différence entre la perception du pays à l’extérieur et la réalité est à la base de cet étonnement. Haïti a une image négative qui ne reflète cependant pas tout à fait la réalité. Il nous faut changer cette mauvaise image projetée et travailler à renverser la tendance en redéfinissant une image positive du pays, en mettant l’accent sur tout ce que nous avons de beau à montrer et à offrir. En passant, la publication de ce livre a été rendue possible, en partie, grâce à la BRH et la Sun auto. Nous espérons que d’autres sponsors nous apporteront le soutien financier indispensable à l’impression du livre. A noter que la majorité des fonds recueillis à partir de la vente des livres servira à l’organisation d’un atelier d’écriture de deux jours, visant une vingtaine d’écrivains en herbe, des élèves de différentes écoles secondaires de la capitale.
LN: Quel genre de texte y retrouvera-t-on?
MJF: On y retrouvera des poèmes, des essais, des nouvelles et des contes. Il y en aura pour tous les goûts! Tandis que certains des morceaux offrent un conte vibrant de la vie en Haïti et explorent les spécificités de certains rituels tels que les rites funèbres; d’autres parlent des effets du tremblement de terre du 12 janvier. Certains auteurs explorent le folklore haïtien avec ses légendes et ses mystères, tandis que d’autres se penchent sur les problèmes économiques d’Haïti et les conséquences de la misère, tels l’esclavage des enfants et les relations tendues entre Haïti et la République dominicaine, où des milliers de générations d’Haïtiens ont travaillé dans les champs de canne à sucre. L’anthologie répond, entre autres, à la question : Comment les Haïtiens affrontent-ils leurs problèmes?»
LN: Est-ce le seul projet sur lequel vous travaillez en ce moment?
MJF: Je prépare aussi la parution du cinquième numéro de Sliver of Stone Magazine, aux Etats-Unis. Je suis l’éditrice en chef de cette revue assez prisée. Nous y avons aussi publié des textes d’auteurs américains de renom tels que Dorianne Laux, Susan Orlean et Denise Duhamel. J’écris beaucoup en anglais ces jours-ci, sous le nom de M.J. Fièvre. Je viens de terminer un texte qui raconte ma vie en Haïti dans les années 1990. J’écris également une collection de nouvelles en français. Beaucoup de suspense — comme à l’époque de La Bête et de Thalassophobie.
LN: Vous êtes la secrétaire de Women Writers of Haitian Descent. Parlez-nous de ce groupe.
MJF: WWOHD encourage le développement des femmes écrivains d’Haïti et met en lumière leurs écrits à travers différents programmes et ateliers à l’échelle locale, nationale et internationale. Les activités et services de cette organisation incluent, entre autres, un concours littéraire, des ateliers d’écriture, un cercle du livre, un groupe de critique littéraire et des lectures. Le site Internet de l’organisation, http://www.writersofhaiti.com tient lieu de rencontre pour les enfants littéraires d’Haïti et conserve leurs écrits dans une collection spéciale, Onè ? Respè !
LN: Qu’est-ce que cela implique comme travail et que représente un tel poste dans votre carrière d’écrivaine?
MJF: Ah! beaucoup, beaucoup de travail. Je suis responsable de la revue Onè? Respè! Je lance les appels à textes, j’édite les poèmes et les histoires selectionnés, j’en fais la promotion sur Facebook et aussi par email. Je réponds aux lettres, planifie les levées de fonds. En tant que webmaster, je mets le site Internet à jour, je publie les annonces littéraires, etc. Oh! les longues nuits de travail ! Ce poste, pro-bono, me permet quand même de rencontrer beaucoup d’auteurs haïtiens. J’aime ces échanges entre collègues; ils ne peuvent que m’aider à grandir en tant qu’écrivain.
LN: Comment alliez-vous l’écriture, le secrétariat et l’enseignement ?
MJF: Je dors à peine la nuit ! Une habitude peut-être néfaste pour ma santé, mais que j’ai adoptée lorsque j’avais treize ans, quand j’ai commencé à tenir des journaux et des cahiers, me disant : «Voilà. C’est ce que je souhaite faire de ma vie. Raconter des histoires. » J’étais déjà en chemin pour devenir romancière et éditrice.
LN: La sortie de l’anthologie est prévue pour quand?
MJF: A la fin du mois de juillet 2012 LN: Une vente-signature se fera en Haïti? MJF: Certainement. En juillet ou août. Le Nouvelliste sera tenu au courant.
Propos recueillis par Péguy F. C. Pierre