QUI est vraiment Jessica? Nous avons interrogé quelques-uns de ses proches: une des ses sœurs (Patricia); Fabienne et Leïla, deux de ses meilleures amies; et aussi le professeur Marlène Fièvre, sa tante. Une après l’autre, elle nous permettent de découvrir les différentes facettes du jeune auteur.
Elles lui attribuent une très forte personnalité. Jessica s’impose. Très jeune, elle annonçait sa dextérité à brosser des personnages au cœur de leurs réalités. Intelligente, tenace, d’une extraordinaire capacité d’accueil, son rire chaleureux emplit l’atmosphère et réconforte. Jessica, c’est l’enfant du soleil.
JESSICA: la sœur
Patricia Fièvre-Kernizan possède un signet sur lequel est inscrit: « Dieu a fait de nous des sœurs, mais nous avons fait de nous des amies”. Elle dit que cette phrase lui fait toujours penser à sa plus jeune sœur, Jessica. Tendresse, conseils, secrets, loisirs, plaisanteries, réconfort, encouragements, petits et grands problèmes, il n’y a rien de tout cela qui ne puisse être partagé entre les deux femmes. Lorsque Patricia pense à une personne sur qui compter, Jessica est le premier nom qui lui vient en tête.
« Il n’en a pas toujours été ainsi, pourtant, nous confie la sœur de l’écrivain. Jeunes enfants, nous étions tout comme chien et chat. J’avais intérêt à dissimuler soigneusement toute bêtise pour empêcher que mademoiselle Jessica, aussitôt mise au courant, ne se précipite auprès du premier adulte rencontré pour lui vendre la mèche. Impossible de passer un moment paisible en compagnie d’une amie, sans être constamment interrompue par celle que je qualifiais de petite fouineuse, qui essayait de fourrer son nez dans des affaires qui n’étaient pas encore de son âge, selon le jugement de mes camarades et moi! Avec le temps, cependant, j’ai compris que Jessica ne désirait rien d’autre que d’être acceptée dans mon petit monde dont je lui interdisais si souvent l’accès. Aujourd’hui, entendrait-elle une remarque négative à mon sujet? Avant même que j’aie moi-même eu vent de l’affaire, elle sortirait ses griffes de défenderesse acharnée pour remettre à sa place celui ou celle qui aurait osé me critiquer, à raison ou à tort! Ne souhaitez pas avoir l’une de nous comme ennemie, car si cela arrive, comptez-en deux, et pas des plus faciles! »
Si jamais Patricia traverse un moment de faiblesse où elle se sent peu sûre d’elle, Jessica lui fait retrouver bien vite sa confiance en elle car, à entendre l’écrivain, sa soeur serait un des génies de ce monde! Patricia elle-même n’est pas peu fière de ce que Jessica a déjà accompli dans le domaine littéraire à son âge, et elle se flatte d’être la première à lire ses écrits, à peine les premières pages du manuscrit remplies! « Jessica dit avoir confiance en mon sens du perfectionnisme, mais c’est plutôt à elle que j’appliquerais ce terme! La première chose à remarquer lorsqu’on pénètre chez Jessica, c’est l’ordre méticuleux dans lequel chaque objet est placé. Pas un grain de poussière. Gare à celui qui ose apporter le moindre changement à cet arrangement bien étudié! »
Comme tout un chacun, Jessica a ses petits défauts, mais Patricia pense que ses qualités les surpassent de loin, les rendant négligeables. Son sens du pardon et son souci des autres sont admirables. Son amour du plus faible l’a portée à choisir comme profession l’enseignement des enfants en difficulté. Patricia se considère chanceuse d’avoir Jessica dans son cercle de famille proche. Elle la tient très profondément dans son cœur.
JESSICA: l’amie
Le premier contact de Fabienne Bertrand avec Jessica remonte à cinq ou six ans. L’atmosphère de leur rencontre n’était pas des plus chaleureuses! Fabienne assistait à l’une des terribles scènes de colère du jeune auteur. Heureusement, elle n’en était pas la cible! (Rire) Fabienne nous confie: « Je m’étais alors imaginée que Jessica comptait forcément parmi ces nombreuses benjamines qui, à leur famille, font voir de toutes les couleurs. Pourtant, même si on dit que la première impression est souvent la bonne, Jessou, comme je l’appelle, a été l’exception qui confirme la règle! Les nombreuses années passées à la côtoyer m’ont prouvé que je m’étais trompée… Jessica est un peu ‘enfant gâté’ mais ses nombreuses qualités font vite oublier ses caprices. »
Sa fougue, sa vivacité, son beau sourire ravissent ses amies; Jessica remonte le moral lorsque tout semble aller de travers. Si vous appréciez les gens vivants, avec Jessica, vous êtes servi! Toujours prête à organiser une fête, une soirée entre amis dans le but de faire plaisir à un proche ou tout simplement pour pallier à la monotonie de la vie. « Avec Jessica, dit Fabienne, rien d’artificiel! C’est une personne tout à fait ouverte. Mes petites histoires -mêmes les plus folles- sont confiées sans gêne! Jessica prête toujours une oreille attentive, si bien qu’elle me fait penser par moments à une psychologue. Pourtant, lorsqu’elle s’ y met, elle peut se montrer très volubile et m’entretenir de sujets les plus variés! Avec Jessica, l’ennui n’existe pas! » Jessica a toujours quelque chose à raconter. Est-ce le fait qu’elle ait une imagination débordante? Fabienne n’a jamais cherché à le savoir; elle profite tout simplement de leur amitié… de cette amie qui, de loin ou de près, lui a toujours prouvé qu’elle se soucie d’elle, de ses activités et de ce qu’elle devient. « J’adore ce côté tendre chez elle. » Fabienne nous met cependant en garde: « Pourtant, attention… Qui s’y frotte s’y pique! Gare à ceux qui lui cherchent noise! Derrière le beau sourire de Jessica se cache une diablesse qui prend surface lorsque plane une menace où lorsqu’il y a justice à rendre! Vous n’avez qu’à lire l’un de ses romans et vous verrez de quoi son imagination est capable! A bon entendeur, salut! »
Leila Laraque, tout comme Fabienne, tient Jessica en très haute estime. Aux dires de la fille du célèbre Toto Laraque, Jessica est une excellente personne, très gentille, très dévouée, très attachante, extrêmement fidèle à ses amis… « Le moins qu’on puisse dire de Jessica, c’est qu’avec elle on ne risque jamais de s’ennuyer, peu importe l’endroit ou le moment. Ses professeurs et ses amis les plus proches la décriront tous comme une personne brillante, originale, pleine d’humour et d’imagination. D’ailleurs, ses résultats académiques et le ‘génie’ de ses romans en témoignent largement. »
Personnellement, Leïla a beaucoup aimé les livres de Jessica. Immanquablement, Jessica sort du cadre de la réalité pour pencher dans l’épouvante. Son amie avoue sincèrement qu’il lui arrive souvent de ne lire ses livres qu’en un ou deux jours, – parfois en quelques heures-, tant elle est pressée de connaître le dénouement de l’histoire. Cependant, elle espère que Jessica osera un jour s’aventurer dans d’autres genres. Elle s’explique: « Ayant eu le privilège de lire plusieurs de ses petits romans inédits durant mon passage à Sainte Rose de Lima (parfois, en plein cours!), je sais que Jessica est plus versatile qu’elle pourrait en avoir l’air. »
JESSICA: le regard de sa tante (Par Marlène Fièvre)
Le 29 avril 1981, elle lançait son premier cri à la vie. Très tôt, Michele Jessica manifesta la volonté de tout voir, de tout comprendre et de tout bouleverser. Quelques heures seulement après sa naissance, ses yeux candides semblaient scruter l’imaginaire des quelques proches qui l’entouraient. Jessica était certes la quatrième enfant d’un couple ne comptant que des filles. Mais pour l’ensemble de la famille, elle était spéciale: la surprise d’une grossesse non planifiée, un cadeau du ciel, un morceau d’éternité. L’on ne pouvait s’empêcher de la chérir. Petite fille affectueuse et d’humeur souriante, elle évoluait sous le regard protecteur de tout un chacun de la famille. Elle adorait s’amuser, chanter, danser, communiquer. Du matin au soir, sa petite voix chaleureuse, enjouée, sympathique, résonnait un peu partout, même lorsqu’elle était malade. Ses parents se demandaient souvent comment occuper cette jeune personne surprenante, volontaire, pétillante et dynamique. Le goût de l’aventure la portait à escalader les murs, à grimper aux arbres… Un après-midi de juillet, ses parents la cherchèrent en vain. Jessica avait disparu. Sa tante la découvrit finalement sur le toit de la maison, admirant le panorama de la ville de Port-au-Prince. Elle n’avait pas encore cinq ans…
Bientôt, ce fut le renversement de Jean-Claude Duvalier. Au sortir de l’école, La Maison des Petits, face à une foule délirante exhibant la photo de l’ex-président avec une tête de chien, Jessica éclatait en sanglots et s’inquiétait. Peu de temps après, à la surprise générale, elle prônait, à la suite de Mario de Volcy, l’exclusion des macoutes, la réconciliation nationale en vue de l’établissement d’un Etat de droit.
En octobre de l’année en cours, elle devait entrer en première année fondamentale. D’où la nécessité de la lancer sérieusement dans l’apprentissage des notions préliminaires d’écriture et de lecture. Jusqu’ici, elle s’était montrée revêche à l’alphabet qu’elle trouvait rébarbatif. Chaque après-midi, elle avait pris l’habitude de se réfugier dans la chambre de sa tante. Cette dernière, profitant de l’occasion, entreprit de lui enseigner les rudiments de la lecture à travers les contes qu’elle appréciait tant. L’initiative se révéla concluante car au bout de deux mois, Jessica lisait couramment.
Témoin du branle-bas politique et des bouleversements sociaux de l’après-Duvalier, Jessica ne cessait de manifester sympathie ou aversion à tel ou tel autre groupe politique. A l’entendre, le général Namphy serait le sosie du président déchu. C’était donc du pareil au même. Fortement impliquée dans le réel haïtien, elle clamait haut et fort, l’urgente nécessité de voter la Constitution de 1987. Au renversement du président Manigat, imbue des sensibilités politiques de chacun des membres de sa famille, elle arriva en larmes pour présenter ses sympathies à sa tante. Quand Mme Trouillot accéda au pouvoir, elle exultait: « C’est une femme comme moi qui se trouve à la tête du pays… J’en suis fière. »
En 1990, les parents de Jessica quittèrent Christ-Roi, un quartier fort animé, pour Thomassin. Avec son calme poétique, la douceur inégalable de sa température, la verdure environnante, le bruissement continuel des oiseaux, Thomassin représentait pour les néophytes un petit coin de paradis. Tel ne fut cependant pas l’avis de Jessica qui regrettait amèrement les moments excitants, la vie houleuse de son ancienne résidence: « Je m’ennuie à mourir dans cette maison. Ici, c’est le calme plat, le calme de cimetière. Je ne vois plus mes anciens amis. Au moins, à Christ-Roi, on vivait intensément avec les manifestations des rues, les revendications permanentes, les tirs nourris à toute heure du jour ou de la nuit… Il me vient la nostalgie des instants où je criais à mes sœurs: ‘A plat ventre sous le lit… Mettez-vous à couvert…’» Attitude fort paradoxale!
En Avril 1992, des obligations professionnelles portèrent sa mère à se déplacer du pays. Il fut décidé que durant son séjour au Chili, les deux plus jeunes viendraient rejoindre leur tante à Christ-Roi… Jessica avait grandi et son adolescence précoce créait un climat permanent de rébellion aux prétentions des adultes à vouloir tout contrôler: « Les enfants ont eux aussi leur point de vue, » ne cessait-elle de claironner. La vie, cependant, continua de suivre tout doucement son petit bonhomme de chemin, apportant, bien entendu, des hauts et des bas au sein de la famille. Jessica évoluait dans une atmosphère plus ou moins sereine et ses résultats scolaires ne laissaient aucun doute sur son efficience intellectuelle.
En juillet 1996, une santé fragilisée amena sa tante en convalescence à Thomassin. Au bout d’une semaine, Jessica lui remit le manuscrit de soixante pages qu’elle l’invita à parcourir en ces termes : « C’est mon premier roman, écrit il y a trois ans. Je voudrais recevoir aujourd’hui tes critiques. Je compte sur toi. » Sa tante crut à une plaisanterie, mais entama tout de suite la lecture du document pour lui faire plaisir. Au fur et à mesure, elle était conquise, si bien qu’elle n’abandonnât le roman qu’à une heure très avancée de la nuit. Elle le relut une ou deux fois le lendemain en y apportant de légères corrections.
Ce n’était pas possible qu’une enfant de treize ans arrive ainsi à structurer sa pensée pour offrir une œuvre non seulement cohérente mais empreinte de réalisme. Elle l’encouragea à publier. Succès total et enthousiasme des jeunes à identifier leur propre vécu dans Le Feu de la Vengeance.
Le premier roman de Jessica fut publié en novembre 1997. Parurent ensuite La Bête (Avril 1999), L’Homme au Pardessus Jaune (Mai 1999), Thalassophobie (Mai 2001), La Statuette Maléfique (Mai 2001), Les Hommes en Rouge (Mai 2003) et Métamorphose (2005). Production évidemment prolixe, s’il faut considérer que Jessica non seulement s’adonne à l’écriture mais accorde un intérêt particulier à ses études qu’elle réussit brillamment.
Son premier roman, Le Feu de la Vengeance, d’une certaine manière, est le témoignage d’une Haïti bouleversée après Duvalier. Nous y trouvons en filigrane: la mentalité vindicative de ceux de chez nous, le supplice du collier infligé au soi-disant Macoutes, le départ pour l’exil d’un bon nombre de Duvaliéristes trop zélés à l’ancien régime. Naturellement, ces tableaux se présentent sous forme de symbole. Et comme tous les jeunes de sa génération, contrainte par mesure de sécurité à évoluer à l’intérieur d’une maison, ses héros dans Le Feu de la Vengeance sont plus proches de ceux de ses livres de lecture que des gens du pays…
Le pittoresque de notre environnement, de plus en plus dégradant, heurte dans sa démesure dans La Bête, le deuxième roman de Jessica. Tout au long de cette aventure palpitante, qui nous permet de vivre un carnaval franchement original, la malédiction ne cesse de nous poursuivre.
Au troisième roman, Thalassophobie, la vision d’une société malade s’impose à notre jugement. Jour après jour, les meurtres succèdent aux meurtres… Du sang… Encore du sang… Toujours du sang… A l’épilogue, l’héroïne du roman se réveille d’un très long cauchemar. Et nous découvrons enfin que la vraie thalassophobe, c’est elle. Malheureusement, en dépit du dévouement de sa mère et des attentions de « son ami », elle n’arrive pas à sortir des dérives de ses divagations. Suite à une déception amoureuse, l’héroïne du roman Les Hommes en Rouge–dont la personnalité s’assimile à celle de l’auteur, pour avoir vécu dans sa chair et dans son âme l’accélération des violences qui ont entraîné le naufrage du pays– sombre presque dans la folie après une tentative de suicide avortée. Ses crises répétées l’amènent à visualiser les faits les plus marquants de son existence et à s’interroger sur sa véritable identité. Les différentes facettes de son MOI se succèdent dans son esprit. Qui est-elle? Finalement, l’espoir se dessine: un groupe de jeunes s’unit pour le sauvetage du pays avec la détermination d’aller jusqu’au bout pour combattre le diable.
Ainsi, ce quatrième roman annonce déjà la lumière prochaine qui doit s’étendre sur Haïti après l’extirpation d’un mal profond vieux de deux siècles, qui a plongé le pays dans les ténèbres et bloqué son développement. Pussions-nous à travers l’unité recherchée construire cette HAITI DE PAIX, D’AMOUR ET D’ABONDANCE!